Le couplage de l’imagerie confocale aux techniques de micromanipulation du vivant autorise une approche multi-échelle de l’étude de l‘ensemble des lois qui déterminent la forme et la structure de tissus, la morphogénèse. L’étude des forces localement exercées par une cellule peut être alors intégrée et analysée en relation avec la dynamique des cellules composant l’ensemble du tissu, permettant d’élaborer un modèle biophysique multi-échelle de cette morphogénèse… C’est le développement de ces nouvelles techniques qui a aujourd’hui permis de découvrir que lorsque une cellule rentre en apoptose ou mort cellulaire, elle déforme localement le tissus auquel elle est intégré.
Le LBCMP a mis en place sur le site TRI / LBCMCP une technique de nano-chirurgie laser (Ropper Scientific/Leica) associée à l’analyse d’image de tissus de drosophile en 4D. La nano-chirurgie s’effectue à l’échelle subcellulaire à l’aide d’un faisceau laser impulsionnel. Elle permet par exemple de sectionner de manière extrêmement précise, dans un tissu et sans induire d’échauffement important en raison de la très brève durée de l’impulsion laser, des filaments du cytosquelette cellulaire ou des jonctions entre cellules. Grâce à cette technique, l’équipe de Magali Suzanne (LBCMCP) a révélé le surprenant comportement des cellules apoptotiques (en phase de mort cellulaire) [1]. Ces cellules exercent des forces temporaires sur leurs voisines le long de l’épithélium et génèrent de nouvelles propriétés mécaniques induisant, de proche en proche, la formation d’un pli le long d’une monocouche épithéliale (fig. 1).
Dans ce processus, l’analyse d’images et de nano-chirurgie laser ont permis de quantifier mécaniquement et morphologiquement les cellules voisines en l’absence ou en présence de tension apoptotique. La relation entre la morphologie des cellules formant les plis et leurs tensions de surface mesurées par nano-chirurgie (fig. 2) a ainsi pu être vérifiée.
Ces données ont permis d’appuyer l’idée que la force produite par la cellule apoptotique peut induire l’augmentation des forces de tensions superficielles au niveau du sommet des cellules voisines, formant ainsi les futurs plis. Comme l’ont prouvé un modèle biophysique et un modèle génétique chez lequel la myosine II avait été temporairement inhibé, ces deux forces dépendent de ce moteur moléculaire.
Contact :
- Magalie Suzanne (Equipe Morphogenèse apoptose-dépendante, LBCMCP)
- Thomas Mangeat (Plateforme TRI / LBCMCP)
Ressources employées :
Publications
[1] B. Monier, M. Gettings, G. Gay, T. Mangeat, S. Schott, A. Guarner, M. Suzanne (2015). Apico-basal forces exerted by apoptotic cells drive epithelium folding. Nature, 518 (7538): 245-8.
Voir aussi : [2] Vasquez, C.G., Martin A.C. (2015) News and views, Cell biology: Death drags down the neighbourhood. Nature, 518 (7538):171-3.